Est-ce parce que l’intrigue est devenue trop rare dans les romans que les auteurs sont obligés de claironner sa présence dans le titre ?
Avec « Intrigue à l’anglaise » d’Adrien Goetz, ne soyons donc pas surpris de découvrir un récit aux ficelles policières. L’élément central, comme le titre ne l’indique pas, tout affairé qu’il est à nous annoncer la bonne nouvelle, c’est la tapisserie de Bayeux.
Pour ceux à qui la tapisserie n’évoquerait rien d’autre que cette soirée de détresse où ils échouèrent près du bar quand leur meilleur.e ami.e mordillait l’oreille de la vedette du lycée, rappelons que la tapisserie de Bayeux relate, sur 70 mètres de tissu, la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant.
L’œuvre recèle un mystère. Nul ne sait ce qu’il est advenu des trois derniers mètres, ni ce qu’ils représentaient exactement. Adrien Goetz s’est intéressé à ce trou dans le gruyère de l’Histoire pour en bâtir quoi ? Une intrigue, pardi !
Pénélope, jeune promue de l’Ecole du Louvre obtient son premier poste à Bayeux, où elle est chargée de seconder Solange Fulgence, l’acariâtre directrice du musée de la tapisserie. Elle ne devra pas se la colletiner très longtemps : peu après la nomination de Pénélope, un inconnu vide deux balles de chargeur sur Solange, et la transforme en plante d’ornement.
Pénélope prend donc les fonctions suprêmes, et s’en va accomplir une première mission à la salle de vente Drouot, où elle doit préempter une pièce de tissu dont elle ne connaît pas la nature. Sitôt le colis acquis, un inconnu agresse Pénélope et file (à l’anglaise).
Et si le colis avait contenu les derniers mètres ? Aidée de Wandrille, son prétendant aussi espiègle que macho, et de Pierre, un rubricard bayeusain à l’amabilité suspecte, Pénélope va tenter de dénouer les fils un peu trop emmêlés de la tapisserie.
« Intrigue à l’anglaise » est un roman sympa. On aime suivre Pénélope dans les venelles de province, les hôtels de vente, les sous-sols des châteaux anglo-normands. On aime le ton léger, aussi. Comme ici, lorsque Pénélope raconte l’agression de sa patronne.
Une vieille fille ma patronne, tu sais Solange Fulgence, on lui a mis deux balles et je ne suis pas sûre qu’on en voulait à ses charmes. On avait pas dû la voir en maillot de bain depuis le 6 juin 44. Les Américains avaient failli rembarquer. »
Ou comme ici, quand Wandrille décrit Bayeux.
Ta ville, Bayeux, c’est une merveille : ces maisons du Bessin, c’est tellement plus beau que tous ces colombages, que cette épouvantable Normandie pour Parisiens, tout ce pays d’Auge frelaté avec ses pommes rouges cirées comme des Mocassins. »
Deux bémols : les coutures de l’intrigue sont parfois un peu relâchées, et surtout, ça fourmille de références culturelles, d’« à-propos proustiens » et de « spleen baudelairiens » qui font un peu dîner de beaufs.
Ca me gêne de dire ça car je n’aime pas dire du mal des romans sympas.
Intrigue à l’anglaise, d’Adrien Goetz, Grasset, 330 pages, 18 euros.
Hé..la dent dure sur ce coup 😉 ! C’est un roman qui me tentait beaucoup. On en lit tellement de bien* un peu partout.. et puis j’avais adoré d’Adrien Goetz La Dormeuse de Naples!
*(justement ça fait du bien de lire un autre son de cloche.. enfin c’est une expression, ne le prends pas mal!:))
Je n’ai pas d’avis sur ce livre mais sur ce que tu en dis, oh que oui : c’est jubilatoire ! En tout cas, ne redoute pas que tes commentaires déservent le bouquin car je trouve qu’au contraire ils titillent la curiosité (enfin, c’est ce que je ressens).
Mais là je suis dans un creux (un gouffre même) au niveau de mes lectures, alors je ne suis pas sûre de le lire bientôt.
En aparté : c’est un vrai plaisir de te lire… (si, si)
Je viens de terminer ce roman, et j’ai été profondement agacée par ce côté "om empile les références pour épater le lecteur". je suis contente de voir que je ne suis pas la seule ! Ceci dit ton article est assez alléchant pour donner envie de se plonger dans cette "intrigue à l’anglaise" !
moi j’ai aimé,le ton les personnages, ttes les références culturelles- ah que ça fait du bien-vraies ou romancée, cette histoire m’a réveillée- j’ai pu approcher cette tapisserie -la toucher- elle m’a aussi fait comprendre quelle approche on devrait avoir avec les oeuvres d’arts-l’intrigue policière et autre est charmante-merci j.mode
Bonjour Bernard,
tu vois, moi, je l’ai lu deux fois: une fois pour l’intrigue et une autre fois pour le côté touristique; en effet cela m’a donné envie d’aller à Falaise, à Bayeux que je ne connaissais pas c’est chose faite depuis peu. J’aime les intrigues sur fond historique, on peut ainsi voyager dans le temps.
Je précise que ce livre m’avait été offert!
Participant à l’anniversaire de la Normandie, nous prévoyons d’exposer à Caen au centre d’animation de la Folie Couvrechef du 3 au 20 Octobre 2011, une « suite imaginaire de la Tapisserie de Bayeux » : 4 mètres brodés en continu, avec le couronnement de Guillaume ! Nous proposons d’une part que l’auteur vienne signer et présenter son livre (qui m’a tellement fait rire) d’autre part, proposer aux amateurs de dessiner et broder cette partie imaginaire qu’il propose, mais il faut que je le relise pour préciser la question. Marie Catherine Nobécourt
Mais quelle excellente idée, originale, spectaculaire et, sans doute, populaire ! Bonne chance dans votre initiative ! (et quelle belle façon de marier des arts et des métiers aussi différents que la littérature et la broderie !)