Roman

L’explosion de la durite – Jean Rolin

Il y a des livres énervants.

Surtout quand ils sont plein de promesses.

Par leur titre : « L’explosion de la durite ».

Par leur trame : un Français et son ami Foudron, congolais, se piquent d’acquérir une Audi 25 de 12 ans d’âge et 250.000 kilomètres au compteur et de l’exporter à Kinshasa, histoire de la transformer en taxi rutilant.

Et par leurs premiers mots, savoureux, qui nous propulsent, si j’ose dire, sur une piste congolaise, à bord d’une voiture…

…immobilisée sur le bas côté, son pare-brise éclaboussé d’eau bouillante et des tourbillons de vapeur s’échappant du capot avant même qu’il soit ouvert. Quand il le fut, les tourbillons se firent plus denses, et l’eau que contenait encore le radiateur gicla sitôt le bouchon dévissé. »

Là où j’en ai moi-même pété une, de durite, c’est lorsque je me suis rendu compte que l’intrigue, qui ramollit après l’entrée en scène très réussie, n’est qu’un prétexte à quelques considérations historiques et verbeuses sur Joseph Conrad, Patrice Lumumba ou le Che Guevara.

Considérations, qui plus est, ponctuées des commentaires du narrateur qui oublie qu’il raconte une histoire et non l’Histoire.

Ce ne serait pas trop grave si tout cela n’était agrémenté d’une pointe de condescendance.

Tout le monde y passe.

Les Africains.

En fait, il me semblait qu’il étaient incapables d’envisager l’avenir et de calculer en fonction de celui-ci, comme la plupart des gens que j’avais rencontré à mon arrivée dans ce pays. »

Les Bulgares.

La boutique que le marchand d’accessoires automobiles nous avait désignée était minuscule, et le couple qui la tenait, d’origine indéfinissable, peut-être des Bulgares, donnait une impression de malhonnêteté sympathique et presque humanitaire. »

Les Belges.

Pourquoi Sebald fait-il de ce personnage déplaisant et ridicule un Français, alors que tout, à commencer par la logique, le désigne en effet comme un Belge ? »

Les Polonais et les Ukrainiens.

Des trois lieutenants (un Polonais et deux Ukrainiens, NDLR), Arkadius, le Polonais, est le seul qui aurait à la rigueur trouvé grâce auprès d’un public moyen d’intellectuels occidentaux. »

En tant qu’intellectuel occidental, je n’ai pas aimé ce roman. Je ne remercie pas les intellectuels occidentaux de l’Académie Goncourt de me l’avoir recommandé pour l’été.

L'explosion de la durite

L’explosion de la durite, de Jean Rolin, P.O.L, 221 pages, 17 euros.

2 Commentaires sur “L’explosion de la durite – Jean Rolin

  1. Ah lala quelle ironie dans cette analyse intéressante ! J’adore.
    C’est vrai que le titre est pourtant on ne peut plus accrocheur, aiguise la curiosité et laisse supposer un certain contenu.
    Bon, il faut reconnaître encore une fois que le choix d’un titre relève souvent du maketting. C’est la première pub d’un bouquin, non ?
    En tout cas merci pour tes sensations sur ce livre.

  2. De Rolin j’ai aimé (mais alors vraiment beaucoup aimé!) Port Soudan. Parfois on aime un livre et du coup on a envie de tout dévorer de l’auteur mais là c’est l’inverse qui s’est produit je n’ai jamais eu envie de tenter une autre incursion dans son oeuvre. Bizarre.. Peut-être parce que je pressens que tout autre Rolin sera "forcément" décevant par rapport à ce roman troublant, inclassable, hors-norme.
    Alors voilà j’éviterai cette explosion de durite ;)!

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