Quoi de plus agréable de commencer à lire un roman avec ses petits soucis, puis d’oublier tout et tout de suite, pour entrer dans un salon discret du Kremlin, où Olga Ivanovna Atlina soigne Staline en personne. Elle ne le fait pas de gaieté de cœur : Olga, médecin réputé a été dûment réquisitionnée par le Maître, et a été priée de quitter son mari sous peine de faire plus ample connaissance avec les frimas sibériens.
Cela s’appelle de la terreur. Staline assume :
Pour moi, la terreur, c’est la certitude pour tout homme de l’Union soviétique, du plus humble au plus puissant, de l’anonyme à l’ami de Staline, que rien ne le protège d’une décision de l’exécuter qui peut tomber à chaque instant sans véritable fondement. »
Staline à peine décédé, nous voici en Allemagne de l’Est, en compagnie de Vladimir Plotov, un espion du KGB. Il sera chargé d’approcher une accorte allemande l’Est, espionne, elle aussi, qui lui proposera ses charmes et ses deniers. Plotov résistera et deviendra le président russe. Si cela vous fait penser à Vladimir Poutine, c'est normal !
A peine remis de ces émotions, Dugain nous transporte au bord de la mer de Barents, pour partager la vie quotidienne de Pavel, le père d’un marin naufragé dans l’accident d’un sous-marin russe, l’Oskar. Si cela vous fait penser au Koursk, naufragé pour de vrai le 12 août 2000, c'est normal.
Et pour terminer, Marc Dugain conte les dernières heures de Vania, le fils de Pavel, par 100 mètres de fond, dans l'indifférence du président Vladimir Plotov, pourtant informé du drame. A la lecture des passages décrivant la raréfaction de l’oxygène, ne vous étonnez pas si vous respirez péniblement. Prenez une bonne bouffée d’air avant de lire ceci :
Le silence s’est progressivement emparé de l’épave. Les heures s’égrènent et, quand le sommeil paraît poindre, le froid devient subitement insupportable. La mer a refroidi l’épave à température des profondeurs. Il devient impossible de dormir. Vania réalise que sa hanche est mouillée. L’eau est là, déjà. En montant, elle comprime la bulle d’air. Les corps sont à moitié paralysés par l’eau glacée et les têtes écrasées par la pression. »
Si vous aimez les petites histoires dans la grande Histoire, les récits bien bâtis, le verbe modeste qui n’exclut pas les belles formules, lisez « Une exécution ordinaire ».
Non content de réunir ces qualités, ce roman semble défendre une thèse : celle d’une Russie immuable, où l’impérialisme, le culte du secret, et l’écrasement de l’individu sont des phénomènes qui résistent au temps, que le régime soit tsariste, communiste, ou « démocratique ».
Edifiant!
Une exécution ordinaire, Marc Dugain, Gallimard, 350 pages, 19,90 euros
Critiques, avis et analyses
J'ai lu La chambre des officiers de Marc Dugain que j'ai beaucoup aimé. J'attendrais que celui-ci sorte en poche !
De Marc Dugain j'ai lu il y a qqs années un roman qui est passé un peu inaperçu après La Chambre des Officiers: "Heureux comme Dieu en France". J'avais beaucoup aimé son style limpide, sa façon d'aborder sur fond de guerre(la Résistance)le pb de l'engagement (enfin du hasard !)Il y parlait de vie,d'amour, de mort...oh sans y mettre de majuscules, simplement, modestement. Quelqu'un de juste.
Merci pour cette indication, je pense que ce dernier roman me plaira au moins tout autant.
Décidément il me tarde de le lire ce roman. J'espère mettre la main dessus prochaînement à la bibliothèque. Merci pour ce commentaire alléchant.
Inutile de dire que j'ai déjà ajouté ce titre sur ma liste.. ;-) J'ai tellement aimé le style de l'auteur dans "La chambre des officiers" et dans "Heureux comme Dieux en France"... J'attends sa sortie en poche et je lui jette un sort :-)
Tu as raison, Bernard, cette sentence que tu nous cites est fort jolie. De l'importance des silences.... c'est vrai !!
En parlant de silences, cela me fait penser au superbe livre d'André Brink : Un turbulent silence.
Je me le relirai bien, tiens. Celui-là et les autres aussi. ;-)
Comme je te comprends, Bernard. Franchement, une seule vie n'y suffit pas devant tous ces livres qui nous tentent. Ah ben, on n'est pas aidé, mon brave Monsieur !! :-D
J'avais beaucoup aimé La Malédiction d'Edgar (sur Edgar J. Hoover). Une Exécution Ordinaire à l'air pas mal mais il me semble qu'il avait eu de très mauvaises critique à sa sortie, non?
M.Dugain m'avait déjà "eu" avec "La malédiction d'Edgar", je l'avais commencé un peu à contrecoeur ("pffff, les Kennedy, la CIA...") et terminé dans l'enthousiasme. Avec "l'exécution" j'ai lutté tout le week end de Pâques pour ne pas le lire jusqu'au bout: invité chez des amis ça ne se fait pas de s'isoler tout le temps mais je vous assure que dès que je pouvais le faire je me replongeais dans le livre qui existe en FOLIO maintenant. C'est bien écrit, toujours passionnant, pas prétentieux ni "mode" et ça apprend ou confirme plein de choses. bref une autre réussite.
Je n'ai pas pu finir l'Execution", je me sentais si mal et laisse les dernieres 50 pages dans terminer. M.Dugain est l'un meilleurs ecrivain contemporains, son style et langage pur et simple mais tellement impressionnant. c'est un genie???
Je suis Russe. J'ai acheté le livre et je l'ai lu.
En ce qui concerne les propos de Staline avec la femme médecin, ça n'a aucune authenticité. Staline ne bavarde pas, il se taît. Un mélange non réussi du Grand Inquisiteur de Dostoyevsky et d'un blagueur.
Mais en ce qui concerne l'histoire du sous-marin et des simples gens qui en ont souffert, c'est pas mal. C'est vraiment convaincant et triste.
j'ai beaucoup aimé ce livre, l'auteur a su donner vie à tous les personnages,on les voit bien et j'ai beaucoup aimé sa façon de passer d'un chapitre à un autre.
A ne pas rater!!!!!!!
Ce livre est vraiment bien écrit et permet de mieux comprendre les enjeux geopolitique dans le monde qui nous entoure