Roman

Dans la nuit Mozambique – Laurent Gaudé

C’est cela la magie des mots. Même rassemblés en petit comité, ils peuvent susciter de belles bouffées d’émotion.

Comme dans « Gramercy Park Hotel », l’une des nouvelles de « Dans la nuit Mozambique », le dernier ouvrage de Laurent Gaudé. C’est l’histoire d’un vieil homme, qui vit à New York. Un jour, il descend paisiblement de son appartement et subit une agression. Rien de grave, mais elle réveille quelque chose en lui. Il part illico pour le Gramercy Park hôtel. Et nous aussi, tant les ambiances sont finement décrites.

Derrière le haut meuble en bois de la réception, des employés s’agitent, rangent des clés, sourient, échangent des passeports et comptent des billets. Tout le monde s’affaire dans une agitation fébrile, tout n’est que sonneries de téléphones et ronrons de fax. Entre les cabines téléphoniques et les ascenseurs, il s’assoit dans un gros fauteuil en cuir qui pousse, sous son poids, un soupir d’aise et de gratitude ».

Et les pensées de notre vieil homme s’envolent. Il pense Ella, celle qu’il a tant aimée, mais si mal. Pendant qu’elle se mourait, il partait en virée dans les rues de New-York, à la recherche d’ivresses et d’inspiration. Les deux amants vivront une histoire tourmentée, avec une oasis, quand même : une nuit, une seule, au Gramercy Park Hotel.

Je ne vous conte pas la chute. Mais ces quelques mots se sont ligués pour m’émouvoir de façon inattendue.

Les autres nouvelles crapahutent autour de thèmes chers à Laurent Gaudé : le voyage, l’immigration et l’exploitation d’un peuple par un autre.

Tenez, par exemple : un autre récit conte les déboires de quelques marins bretons, qui ont eu le tort de laisser s’enfuir cinq esclaves africains dans Saint Malo. Les marins parviennent à les massacrer tous. Sauf un. Et l’enfer commence : tour à tour, les marins, l’affréteur, trouvent un doigt à la peau noire cloué à leur porte. Peu de temps après, un malheur frappe les hommes ainsi désignés. Le village se croit sauvé lorsque le dixième doigt est découvert. Mais, peu de temps après, un onzième trône fièrement sur la porte de la maison du capitaine, qui narre l’histoire. Il ne le vit pas très bien.

Dans cette nuit, je ne suis plus un homme. Je suis une ombre esquintée. J’ai maigri. Je n’ai plus jamais mis le pied sur un navire. Je vis chichement. Je souris. Je tremble. Je me retourne souvent dans la rue. J’attends le malheur que le doigt m’a annoncé. Mais au fond, il est déjà sur moi et m’a rongé avec délices ».

Joli, non ? C’est un petit recueil bien écrit, avec de belles ambiances. L’ayant dégusté un peu vite, je pensais devoir oublier ces histoires tout aussi rapidement. Erreur. Six mois plus tard, elle me trottent encore dans la tête, comme un escalve en fuite dans les rues de Saint Malo.

Dans la nuit Mozambique

Dans la nuit Mozambique, Laurent Gaudé, Actes Sud, 147 pages, 16 euros.

A lire également sur le Blog des livres : la critique d’Eldorado, le précédent roman de Laurent Gaudé. Pour se forger une belle opinion, je recommande aussi la critique du Bibliomane.

11 Commentaires sur “Dans la nuit Mozambique – Laurent Gaudé

  1. Parlé, parlé…. je t’ai saoulée plutôt 😉 Laurent Gaudé est l’un des mes auteurs Chouchous. Quant à te prêter ce recueil de nouvelles… peut être si tu es sage. Bernard, je viendrais te raconter mes impressions. 😉

  2. Merci Bernard. D’ailleurs, cela ne va pas trop tarder puisque je viens de recevoir l’objet de tant de convoitises 😉
    Toute première impression : il est beau ce livre. J’aime beaucoup sa couverture. Déjà un très bon point.
    La suite bientôt 😉

  3. J’ai terminé ce livre hier soir. Et je suis envoutée. J’adorais déjà le style, les contes de Laurent Gaudé… mais là je suis totalement achevée. Il n’y a rien à jeter même si, à mon sens, "Gramercy Park Hotel" et "Dans la nuit Mozambique" priment sur les deux autres récits, qui ont leurs propres qualités.
    Voilà, Bernard, mon ressenti "à chaud" 😉
    Et là, j’y retourne.. J’ai un besoin de relire ce livre.
    A bientôt.

  4. La nouvelle dont tu parles c’est : Dans la nuit Mozambique. Elle est superbe aussi. Tu as bien raison. Appel tes amis… ce sont des moments inoubliables.
    Quant au talent de Laurent Gaudé, il a dû tomber dans le chaudron quand il était petit 😀
    Merci Bernard, pour ces échanges.

  5. Hihi, votre petite conversation ne manque pas de me faire sourire… On vous sent de vrais passionnés, c’est beau et ça me parle! En attendant, il faut absolument que je découvre Gaudé! Le soleil des Scorta, ça ira aussi?

  6. Bernard, tu m’as appelée ??? 😉 Gaudénologue, comme tu y vas ;-))
    Camille et Bernard, je n’ai qu’une chose à vous dire : plonger dans ce merveilleux livre. Mais attention, prévoyez un couvre-chef, parce qu’il fait vraiment soleil.
    Plus sérieusement, c’est encore un superbe ouvrage, une histoire magnifique. Que pourrais-je dire de plus ? Faudrait que je vous retrouve les lignes écrites à l’époque à l’attention de mes collègues. Si je les retrouve, je vous les dépose ici.

    En tout cas, allez-y sans crainte. Si vous avez aimé Dans la nuit Mozambique ou La mort du roi Tsongor, vous ne pourrez qu’aimer Le soleil des Scorta. C’est flamboyant.

    N’oubliez pas non plus Cris, l’histoire des poilus durant la grande guerre de 14-18. Vous vivrez les tranchées de l’intérieur.

    Voilà, j’espère vous avoir convaincu un tout petit peu. Vous me direz votre ressenti ??

  7. Même si tu n’en fais pas un billet pour ton blog, tu peux lire ces titres rien que pour ton plaisir. Ils sont vraiment tellllement superbes !!
    Et peut être que Camille a déjà lu ma réponse. J’espère l’avoir un peu aidée.
    @+ Bernard.

  8. Je viens de recevoir en spécimen gratuit un recueil de deux nouvelles de Gaudé Je les ai lues d’une traite. La nuit Mozambique comme l’autre qui raconte l’histoire de ces marins persécutés par un Nègre vindicatif évadé à Saint-Malo m’ont laissé sur ma faim. L’on croirait la rédaction appliquée d’un bon élève de collège et puis cette histoire de doigt surnuméraire, censée nous faire frémir et nous plonger dans le fantastique fait plutôt rire. Où est l’hésitation propre au fantastique dans cette découpage progressif de doigts. Je n’ai peut-être rien compris et c’est en fait de l’humour noir.

  9. Bonjour/Bonsoir les internautes fans de Gaudé :d
    Es-ce que quelqu’un peut m’expliquer la fin de la nouvelle "Dans la nuit mozambique" s’il vous plait !!
    J’ai un contrôle de lecture dès la rentrée et je ne suis pas du tout au point :s

    Merci d’avance

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