Le concert commence, en douceur, « adagio ». Marie, la narratrice, coule des jours paisibles dans une région balnéaire du nord de la France. Elle a tout pour être épanouie : Stéphane, un mari qui l’aime, Luca, un petit gars adorable, et Lise, la petite dernière, sans histoire. Seulement voilà.
Ma vie c’était ça et rien d’autre : les gamins le bain les devoirs les repas la vaisselle le linge et le ménage, les courses chez Ed, ou au Carrefour quand ça me déprimait trop, le cinéma une fois tous les six mois, la télé tous les soirs et basta, à quoi ça sert de se mentir, la vie c’est ça et pas grand chose de plus pour la plupart d’entre nous. »
Le tempo s’accélère, « andante ». Jallal, réfugié kosovar, aide Marie à changer sa roue en pleine nuit. Elle prend conscience que des âmes en peine comme celle de Jallal, il y en a des centaines à sa porte, venues de pays lointains avec un rêve : l’Angleterre. Ils sont là depuis plusieurs années, mais désormais elle les voit.
Devant les centres, assis sur les marches, ils étaient dix ou plus à attendre, les jambes serrées dans leurs bras découverts par leurs manteaux trop courts, la tête dans les genoux et les yeux clos. »
Le rythme du roman croît encore, « allegretto ». Marie se passionne pour ces hommes que tout le monde nie, que la police bat. Elle leur prépare des repas, leur offre des couvertures, dépense ses jours et ses nuits sous les tentes des centres de soins. Elle délaisse son foyer, dort rarement à la maison, mais elle n’a pas d’amant. C’est pire : une passion pour une cause perdue. Les enfants en font les frais.
Ta mère baise avec les Kosovars. Tu va nous refiler des maladies. »
Au moment où le rythme s’emballe définitivement, « prestissimo », j’entends les fausses notes. Je remarque quelques lourdes invraisemblances. La narratrice se contredit, le destin des personnages est exagérément sombre, on voit un peu trop les ficelles.
Et puis il y a les bulletins météo. Chaque fois qu’un événement important se produit, l’auteur nous décrit le temps qu’il fait. Et plus l’événement est grave, plus le temps est gris.
Dommage. Parce que l’histoire de cette femme qui se perd pour les autres est magnifique. Parce que le rythme s’accélère avec justesse tout au long du roman. Parce que les personnages sont entiers, généreux, vrais, humains. Parce que le travail d'écriture est abouti. Parce qu’il touche au problème sensible des réfugiés, une des hontes de nos sociétés, sans verser dans le premier degré humanitaire. Bref, parce que la symphonie est belle.
Si vous lisez ce livre, ne faites pas comme moi : laissez-vous émouvoir simplement, ignorez les fausses notes et ne tirez pas sur le pianiste.
A l'abri de rien, Olivier Adam, L'Olivier, 219 pages, 18 euros.
Critiques, avis et analyses
Un billet sur O. Adam, un des mes chouchous sans réactions. Impossible !!
Sauf que pour l'instant, je ne le lis pas pour ne pas être influencée. Dès que je l'ai lu, je reviens ;-)
J'ai pas la science infuse et ne suis pas spécialiste non plus. Je peux donc aussi me tromper et passer à côté. ;-D
Je vais tâcher de le lire très bientôt... mais cela va être difficile. Mais promis, dès qu'il est terminé, je reviens te dire ;-)
Je viens de terminer ce roman. Et évidemment, je te le donne en mille, j'ai vraiment bien aimé. J'en suis encore un peu secouée (trop sensible, je sais ;-) ). J'aime beaucoup l'image de la symphonie que tu utilises, Bernard. Je la trouve très juste comme tout ce que tu ajoutes ensuite aussi (sur le rythme qui s'emballe, l'engagement total de la narratrice...etc). Je devais être trop plongée dans la musique de O. Adam et le parcours de Marie pour noter les fausses notes. Et puis quand bien même, elles font aussi tout le charme de cette écriture sans tricherie, si humaine au final.
Enfin, ce n'est que mon ressenti à chaud, bien sur. ;-) Peut être que je n'ai pas assez de recul sur les ouvrages de cet auteur. C'est ainsi, je suis toujours au diapason avec certains auteurs (O. Adam, L. Gaudé, Ph. Claudel, J-Ph Blondel, S. Germain..etc). Il faudra vraiment un accident pour qu'ils ratent un jour leur partition.
Oh là, une note. Que nenni ! ;-) La vraie note de lecture est prévue bientôt chez Laurence. Là ce n'était qu'une impression à chaud - un peu longue j'avoue. Mais c'est parce que j'aime bien papoter chez toi. ;-)
Et je te rassure, les lectures techniques sont bien et nécessaires aussi. C'est un aspect que je ne maitrise pas assez et c'est ce qui manque dans mes notes, je trouve. Donc, j'apprends bien en te lisant. Continue surtout à faire comme tu le sens. C'est l'essentiel. C'est ce qui fait aussi la richesse de la littérature et des blogs qui en parlent, les différentes approches que l'on peut en avoir.
Je vais aller voir l'article de Jérome Garcin. Maintenant que j'ai fini le livre, je peux ;-)
@bientôt.
Dans ce cas, continue à dire ce que tu penses de tes lectures (et du reste aussi ;-) ), surtout de l'écrire aussi bien. C'est ce qui fait que l'on revient te lire et échanger ici. La littérature, même si on ne la lit pas de la même façon, il n'en reste pas moins qu'on la lit. ;-) C'est cela qui importe et c'est pour cela qu'elle nous apporte.
Ce livre est géniale. L'histoire est très dure mais belle. Je dois lire ce livre dans le cadre du Prix Renaudot Lycéen, et j'espère vraiment que ce sera lui qui gagnera : il le mérite vraiment !
helllo, j'aime beaucoup ton blog :) on y trouve souventv quelques perles. Je me demandais pourquoi avor fait cette précision :,ignorez les fausses notes et ne tirez pas sur le pianiste :)
De même que ta vision "masculine" pour "Alabama song", aurions-nous une lecture et une sympathie féminine pour Marie?
En dehors de la description de la situation des réfugiés ( qui ne doit pas être loin de la vérité...), j'ai été fascinée par la montée subtile de ce qu'on pourrait appeler sa "folie". Et les invraisemblances existantes ne portent pas à canséquences.
Je vais me plonger dans "le dernier frère" de N. Appanah. Livre qui fait sa publicité de bouche à oereille. Tu as lu?
Une amie m'a offert ce livre...
je l'ai lu sans arriver à m'en détacher...et j'ai beaucoup pleuré en découvrant cette histoire ...on a tous un côté MARIE
Merci Gwen
Bonjour, sur ce piont : 'ignorez les fausses notes et ne tirez pas sur le pianiste' ; je ne vous suis pas tougt à fait :) billet intéresssant en tout cas ! toujours un plaisir de vouq lire, @+
Je me suis laissée porter par cette triste histoire et je n'ai même pas remarqué les fausses notes citées dans ton article. En grande fan d'Olivier Adam, je vais donc de ce pas le relire (oui il date quand même de la rentrée) et faire plus attention!