Oubliez tout cela. Le professeur Christophe Donner tient une solution miracle : vous raconter la grande histoire au travers d’une petite.
Henri Norden, le héros du roman, est écrivain. Il réalise le scénario d’un film sur Louis XVII, fils de Louis XVI, mort à 10 ans en 1795, après avoir vu succomber père et mère sous la lame des révolutionnaires.
Aucun biographe de Louis XVII, à sa connaissance, n’avait posé la question en ces termes : qui a tué cet enfant ? Henri tenait la réponse, bien sûr, il connaissait le nom de l’assassin. C’était une figure de la Révolution, Hébert, mais personne n’avait osé, n’avait voulu franchir le pas, et l’accuser de meurtre. Meurtre d’enfant. Prémédité. Calculé. Personne n’était encore allé jusque là. »
En 1792, Jacques-René Hébert est un être d’apparence inoffensif. Il se répand en sarcasmes et bouffonneries dans son journal satirique, Père Duchesnes. Mais la célébrité aidant, il se pique au jeu. Sa plume badine se fait plus violente.
Dans un premier temps, il ne va pas jusqu’à réclamer la tête du roi.
Rassure-toi, gros cochon, les Français ne sont pas faits pour se souiller du sang d’un lâche. Oui, ils te laisseront vivre. »
Puis il mord.
Guillotiner un roi, est-ce que cela se peut ? Eh foutre, pourquoi pas ? sommes-nous libres ? Si nous le sommes, un roi est un citoyen comme tous les autres. »
Louis XVII, ce petit être que Donner rend éminemment touchant, veut se défendre. Il voit son père perdre la bataille, il le trouve lâche. Il veut se battre, lui !
Je serai le roi, et je dirai le mot. Chargez ! Chargez ! Tuez-les tous ! Je suis invincible, où est mon cheval ? »
Mais c’est peine perdue.
Il crie : Pas mon papa ! Ne tuez pas mon papa ! »
Le roi mort, les écrits de Hébert, devenu fou, auront raison du petit, aussi, comme vous le découvrirez.
« Un roi sans lendemain » est un cours d’histoire magistral, dopé par une écriture simple mais efficace. A un rythme soutenu, le lecteur passe de la Commune de Paris, aux amours d’Henri Norden avec Dora, une présentatrice de la télévision, puis revient dans les tourments de Louis XVI et de son rejeton.
Donner avance des thèses osées, aussi. Ainsi, par la voix de son héros, il ne dépeint pas la Révolution comme un acte héroïque.
Il n’y a rien de social, rien de politique dans cette révolution. C’est juste une poussée de violence qui atteint son paroxysme avec l’assassinat prémédité d’un enfant. »
Le seul danger de ce roman, c’est de concevoir toute révolte comme un excès, et toute presse comme un danger. J’espère que ce n’était pas son propos, en ces temps où une contestation bien informée serait parfois très utile…
Un roi sans lendemain, Christophe Donner, Grasset, 378 pages, 20,90 euros.
Critiques, avis et analyses
Ce livre est bien évidemment sur ma liste... surtout depuis que j'ai entendu l'auteur en parler, un soir dans un théatre. Sans en avoir l'air, il a bien su présenter son histoire.
Ton billet ne fait que renforcer mon envie de le lire. C'est infernal !!! ;-)
Bonjour,
j'aime beaucoup votre billet, votre façon de mettre le livre en valeur, et cette petite nuance finale très finaude qui nous rappelle que lire ou écrire ne sont pas des actes anodins.
Merci !
-Désolé mais je trouve le livre de Donner sur Louis XVII calamiteux. Très mode, toutes le pages sur l'auteur n'ont aucun intéret, par ex : "je vais chez Petrossian acheter ma vodka" etc..son mariage est parfaitement ridicul ???
je viens de me le commander car j aime l histoire de FRANCE et ce livre qui a été couronné en dernier et je ne sais pas pourquoi car il avait tout pour etre un livre de grande valeur et parler de LOUIS XVII c est faire un retour sur cette fameuse révolution fançaise qui a fait tant de mal a la FRANCE et qui n a pas fait que des heureux hélas et quand je l aurai lu je vous donnerai mes impressions
C'est justement cette manière de voir la révolution qui m'a mise mal à l'aise...Ca m'a donné envie en tous cas de lire une biographie de Louis XVII...Alors, je n'ai pas perdu mon temps....
J'ai trouvé des qualités au livre: certains échanges savoureux avec la productrice du film, une petite dose d'auto-dérision, et la reconstitution réussie d'une atmosphère de violence, et de personnages marquants. Le propos du livre me gêne cependant. Le choix de l'auteur est d'aborder la Révolution sous un angle qui me parait très réducteur, celui d'un spasme de violence qui n'a pas d'explication autre qu'en elle-même, et en ne s'attachant qu'à la violence faite à la famille royale ou aux victimes des massacres de septembre, indépendamment de toute autre, indépendamment du contexte historique qui est posé comme sans effet. L'éloge de la religion, de la tradition, opposés aux Droits de l'Homme me paraissent procéder d'une approche très pessimiste (l'homme est fondamentalement mauvais, c'est utopie que de vouloir le rendre meilleur, seules les barrières des commandements peuvent lui donner les repères nécessaires...).
C'est la liberté de l'auteur que de créer en proposant un regard délibérément orienté sur un épisode historique qui parfois vire à la pure fantaisie (le final avec Robespierre)... le résultat ne m'a pas emballé, en raison du message sous-jacent que je ne partage pas, et qui n'est pas contrebalancé par une qualité d'écriture suffisante à mon goût.
C'est vrai que j'ai trouvé moins d'intérêt à la vie de l'auteur/héros qu'à l'histoire qu'il raconte. Mais cette vision de la Révolution est passionnante et ça donne envie de se replonger dans ses livres d'Histoire...