Juette naquit en 1158 à Huy, une petite ville de l’actuelle Belgique. Sa maman l’avait pourtant élevée dans les préceptes de l’époque.

Ma mère dit qu’on ne trouve pas de mari si on ne sait pas coudre. »

Mais Juette n’est pas du genre à boire ces paroles comme de l’eau bénite.

Les vrais fous, ce sont peut-être les esprits vertueux, comme ma mère. Ils effacent la vie, aveuglés par leur désir de ressembler aux anges. »

Elle accepte néanmoins le mariage, puis la maternité qu’on lui inflige. Au prix d'une haine tenace de l'homme...

L’enfant hurle mais je refuse de le nourrir. Une voisine s’en charge. Je ne lui ai pas donné de nom. Mon mari en a trouvé un. Il me l’a dit mais je ne m’en souviens plus. Il fait sauter l’enfant sur ses genoux. Je les observe, ces deux mâles inscrits dans leur glorieuse lignée. Quarante ans les séparent et, déjà, la même tyrannie. Ce sont des voleurs. »

Mais l’âge adulte, que l’on dit pourtant de la sagesse, provoque en elle le réveil du volcan. Elle se débarrasse de son mari, abandonne son enfant et entre à la léproserie, tenue exclusivement par des femmes, dont elle prend la direction. Elle peut dès lors laisser éclater ses haines et s’en prendre à ses deuxièmes victimes : les prêtres.

Rien n’arrête ma colère. Je mets en garde contre les prêtres qui couchent avec leurs paroissiennes. Les gens du clergé ont le vice dans la peau. Les hommes de Dieu se goinfrent. Pourquoi ont-il lu les textes qui imposent une purée de pois le soir, une autre de fèves à midi. Alors comment expliquer ces ventres ronds et tendus ? »

Un mâle, un seul, prénommé Hughes, homme et prêtre à la fois, aura le droit d’approcher Juette. Sa vision de la foi est touchante, qui pourait s’appliquer aux passions d’aujourd’hui.

Juette et moi tenons beaucoup à ce petit oiseau blotti au creux de chacun, tiède et vivant, que d’autres appellent la foi. Il faut nourrir cet oiseau chaque jour et ne pas s’alarmer lorsqu’il est malade. Cela demande du temps et du calme. »

Hughes parviendra-t-il à apaiser Juette ?

La passion selon Juette est une claque. Clara Dupont-Monod l’administre sèchement, y compris dans l’écriture. La haine de Juette est assénée, et, même si le roman n’est pas totalement exempt de psychologie, on voudrait disposer de plus d’éléments pour goûter cette violence. C’est tout le problème des claques : elles font mal au corps et au cœur mais on ne les comprend pas toujours. Peut-être parce qu’elles sont de trop brefs cris d’amour ?

La passion selon Juette



La passion selon Juette, Clara Dupont-Monod, Grasser, 233 pages, 17,90 euros.