Je suis seul dans le noir, le monde tournoie dans ma tête pendant que je lutte contre une nouvelle attaque d’insomnie, encore une de ces nuits blanches dans la campagne américaine. »
En position horizontale, il n’y a pas grand chose d’autre à faire que d’inventer les fameuses histoires dans l’histoire. Et c’est parti !
Le narrateur donne la vie à Owen Brick, qui se réveille au beau milieu d’une guerre civile aux Etats-Unis. Owen apprend que l’Amérique libre attend de lui qu’il exécute un écrivain. Car cet auteur a inventé ce funeste conflit, et chaque mot qu’il écrit devient réalité.
- Tu veux donc dire que tout ceci est une histoire, que quelqu’un a écrit une histoire et que nous sommes des éléments de celle-ci ?
- En quelque sorte, oui.
- Et s’il est tué, alors ? La guerre sera peut-être terminée, mais nous alors ?
- Tout redeviendra normal.
- Ou alors nous allons disparaître.
- Peut-être, mais nous devons prendre ce risque. »
Le narrateur alterne subtilement ce récit avec des considérations sur ses proches. Le décès de sa femme. Le divorce de sa fille. Et le veuvage de sa petite fille, dont l’époux est mort en Irak.
Puis soudain, Paul Auster met un terme aux aventures d’Owen Brick. Et raconte quelque petites histoires, intéressantes en soi, mais sans lien entre elles. Mais elle donnent l’occasion à l’Oncle Paul d’émettre quelques profondes considérations.
Sur les livres.
S’évader dans un film, ce n’est pas la même chose que s’évader dans un livre. Un livre t’oblige à rendre quelque chose, à faire usage de ton imagination et de ton intelligence, alors que tu peux regarder un film – et même en tirer du plaisir – dans un état de passivité mentale. »
Sur la bonté.
Seules les personnes droites doutent de leur bonté, et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles sont bonnes. Les méchants hommes savent qu’ils sont bons, mais les bons n’en savent rien. Ils passent toute leur vie à pardonner les autres, mais ne se pardonnent rien à eux-mêmes. »
Et sur l’éducation.
Il ne faut pas se mêler des sentiments des autres, et surtout pas de ceux de ses enfants. Les enfants n’apprennent rien des erreurs de leurs parents. Nous devons les laisser libre, les laisser rentrer dans ce monde pour faire leur propres erreurs. »
On prend plaisir à rêver avec cet homme dans le noir, on médite sur ces quelques sentences, mais on regrette une fois de plus le côté dilettante de ce roman, pas vraiment construit. Les cent premières pages laissent présager une grande réussite. Les cent dernières sont vraiment trop buissonnières.
Paul Auster passerait-il trop de temps dans son lit ?
Seul dans le noir, Paul Auster, Actes Sud, 192 pages, 19,5 euros. Vous pouvez le commander sur Amazon.
Critiques, avis et analyses
Merci du conseil, Bernard. Je vais passer mon tour. Mais pas mal la réflexion sur la bonté. :-)
Je reconnais à Auster une virtuosité indéniable, un talent incroyable dans l'art de pratiquer les enchâssements narratifs et autres mises en abyme. Toutefois le procédé me paraît devenir trop systématique sous sa plume donc peu surprenant, voire artificiel. De plus, il me semble nuire à l'émergence de l'émotion... Donc je ne lirai pas ce dernier opus très austérien...
Moi aussi je te dis merci, Bernard, de t'être dévoué, et de me permettre de faire des économies...Si un jour je dois passer du temps dans mon lit.....
Je n'ai pas eu cette impression de roman déconstruit ou construit en dilettante. Au contraire, même.
Je viens de finir ce roman et l'ai beaucoup aimé. Me voilà réconciliée avec Paul Auster (je n'avais pas été brouillée longtemps je dois dire, juste une ou deux petites déceptions).
Ahh, moi j'ai beaucoup aimé... Mais je suis peut-être une inconditionnelle au jugement altéré ! :-)
Et j'ai aimé plus la deuxième partie que la première. J'étais bien contente qu'Owen meure, en fait. Je trouvais qu'avec lui on roulait sur des rails.
J'ai lu que beaucoup de lecteurs avaient préféré le début à la fin. On est tous différents, donc.
Je viens de terminer ce roman et j'ai beaucoup aimé. Si vous voulez lire ma chronique;
lireplus.mabulle.com/inde...
C'est aussi mon avis. J'ai été assez déçue par ce dernier roman. On commence à se lasser de ses ficelles et de ses dénouements en milieu de roman en queue de poisson... (cf ma critique sur ce lien)
J'ai lu un certain nombre de choses pas très positives sur son dernier livre mais c'est Paul Auster et c'est en général une valeur sûre alors je note...
Je suis en train de le lire. Je ne pense pas que ce choix était judicieux pour connaître un auteur comme Auster dont je n'ai entendu que du bien.
Je suis arrivée à la page 120 et je dois dire que je m'ennuie profondément. Je déteste la découpe du texte et aussi le fait que les dialogues ne soient pas précédés d'un petit "-" qui annonce bien que deux - ou plusieurs - personnes vont parler. Bref, je pense que pour apprécier Auster, je vais devoir me procurer ses premiers livres.
merci pour ces com... je vais donc éviter de l'acheter... bien que la couverture me tentait
et bien j'ai adoré lire ce livre, du reste en anglais dans le texte ! il reste un auteur extraordinaire et je me fonds avec délice dans cette écriture si particulière. Essayez de lire son épouse Siri Hustvedt, qui lui ressemble étrangement dans le genre d'écriture...
J'ai trouvé qu'Auster était moins inspiré dans ces derniers livres;
la lecture de "Seul dans le noir" m'a parue poussive; les retournements, les intrigues, trop nombreux, finissent par perdre leur lecteur, et c'est bien dommage de la part d'un grand auteur !
J'adore tous ces livres!
Vraiment bien!
J'en ai écrit deux
http://alice815.unblog.fr/