Avez-vous jamais eu l’impression de vivre à la lisière de votre vie ?
Pas vraiment dehors, mais pas vraiment dedans non plus. Pas vraiment largué, pas vraiment arrimé.
C’est la vie de Paul, le personnage d’Olivier Adam.
Paul est écrivain. Il vit dans le Finistère. Il a déjà connu quelques succès, mais ne respire pas le bonheur pour autant : sa femme l’a quitté.
Sarah m’avait foutu à la porte de ma propre vie, m’avait confisqué mes enfants, qui étaient au fond la seule chose à part elle et l’écriture qui m’ait jamais fait tenir debout. »
Comme si cela ne suffisait pas, sa mère, qui vit en grande banlieue parisienne, est hospitalisée. Cet événement force Paul à quitter momentanément sa lisière maritime, pour retourner en lisière de Paris. Et faire, malgré lui, un retour sur sa vie. Il revoit des amis d’enfance, souvent résignés à une vie modeste, comme Eric.
Moi, le monde, j’ai les deux pieds dedans et je peux te dire qu’il a bien l’odeur de merde que tu décris dans tes bouquins. Seulement toi, tu écris ça tranquille les pieds dans le sable, sans mettre les pieds dans le cambouis, sans te les salir, même. »
Paul renoue aussi avec son frère, plus à droite que lui et avec une ancienne conquête. Il se rapproche aussi de son père et découvre avec stupeur son penchant pour l’extrême-droite.
Passer du vieux Marchais à la Grosse Blonde. Ça fait mal au cul quand même. »
Mais imperceptiblement, ces rencontres lui redonnent une contenance, il comprend qui il est, et découvre même un secret de famille qui achève de le relever.
Les Lisières n’est pas un roman sinistre, mais il est sombre, social, militant, parfois caricatural. C’est une critique désabusée d’un pays que l’auteur juge rongé par le commerce et embourbé dans ses traditions. Et au-delà d’une intrigue de peu d’intérêt, c’est surtout la France vue par Olivier Adam qui intéresse.
Comme quand il évoque le vieillissement.
Il me semblait qu’un pan entier du pays vivait avec un œil dans le rétroviseur, la pédale sur le frein, la nostalgie d’un temps qui n’avait pas existé en bandoulière, du sépia plein les doigts. »
Ou les bobos.
Qu’est-ce que tu leur reproches exactement, aux bobos ? De manger des sushis ? De voter à gauche ? D’être écolos ? D’avoir assez de fric pour se payer un voyage par an ? De trier leurs déchets ? D’aller voir des film en VO ? De s’en battre les couilles de l’identité française ? De ne pas avoir peur des Noirs et des Arabes ? C’est quoi le problème ? »
Bref, un roman social. Mais n’allez pas dire à Olivier Adam qu’il écrit des romans sociaux, son personnage ne le supporterait pas.
Comme si, à l’heure où la plupart des romans prétendant parler de la société française portaient sur les traders, les patrons, les cadres supérieurs écrire sur les classes moyenne et populaire était paradoxalement devenu une particularité, un sous-genre. »
Les lisières, Olivier Adam, Flammarion, littérature française, 453 pages, 20 euros broché, 7,5 euros en poche. Notre note : 3/5.
Bien vu ! J’ai aimé l’histoire (je ne trouve pas que l’intrigue est légère), mais j’en ai eu un peu marre de la rengaine tout va mal, on est tous exploités. C’est peut-être pas faux, mais ça use 🙂
Super livre ! Je recommande.
Bof bof….C’est sûrement celui d’Olivier Adam que j’ai le moins aimé. Très caricatural et plein de clichés! D’un côté les méchants riches, et de l’autre les gentils pauvres…Là, moi aussi, je caricature, d’accord! Mais ce n’est pas avec un tel défaitisme que la France arrivera à se relever…Non, vraiment, je n’en garderai pas un souvenir inoubliable…plutôt pas de souvenirs du tout…..
Entièrement d’accord, Pomme, ça manque de souffle. Bon, ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord (et c’est mon cas aussi) que le livre est mauvais, mais même d’un point de vue littéraire, il est loin d’être inoubliable, et le manichéisme n’arrange rien…
D’accord avec vous. Je viens de le terminer, et cette plainte perpétuelle, ce manichéisme sommaire m’ont fait précipiter la lecture vers la fin.
Oui, Solidor, même après quelques semaines, ce livre ne me laisse pas un souvenir impérissable, voire pas de souvenir du tout.
je lis assez peu d’oeuvres littéraires qui sentent l’encre fraîche. C’est un vieil ami de quarante ans qui me l’a conseillé au début de ce mois. Je ne suis pas déçu même si ce livre me donne parfois le sentiment de faire le grand écart entre Annie Ernaux et Michel Houellebecq. on aime ou on n’aime pas, moi j’aime plutôt bien. Il y a des chances que je le relise pour certains passages qui me parlent.
Merci Jean pour cet avis argumenté. Avec quelques mois de distance, je garde un bon souvenir ce ce roman !
Et bien moi, une année environ après avoir lu ce livre, il me hante encore …
J’ai trouvé ce livre, tour à tour (et pas forcément dans l’ordre) : triste, angoissant, plein de promesses, vrai, touchant.
Je me souviens encore des plages bretonnes et des banlieues de l’Essonne.
J’apprécie bien d’autres auteurs qu’Olivier Adam, mais « il me parle », peut-être parce que nous sommes de la même génération.
Bref, pour moi, c’est une lecture à vivre et à ressentir.