Jamais je n’ai lu un Goncourt aussi mérité.
Atiq Rahimi nous fait vivre le parcours cabossé d’une femme musulmane. Emprisonnée dans les diktats culturels et religieux, elle veille des heures et des jours son mari plongé dans le coma occasionné par une balle…
A son chevet, elle confie ses souvenirs à cet homme inconscient, comme s’il était la pierre de patience magique. Cette pierre à qui, dans son pays, on confie ses malheurs, ses désespoirs jusqu’à ce qu’elle éclate un jour et vous libère.
Lentement, le rythme s’accélère, son murmure s’intensifie, se transforme en un cri qu’elle ne peut plus contenir et qui va lui faire dire des mots interdits et la pousser à se livrer à une confession sans tabous. Plus cette femme parle, plus elle se libère et, comme dans la légende, la pierre de patience finira par éclater et la rendre libre à jamais.
Atiq Rahimi écrit ce livre non pas comme un roman mais comme une tragédie : son style est lancinant, incisif, neutre mais quel amour il a pour cette femme qu’il nous fait partager avec un désespoir inouï.
Je devais me marier malgré ton absence. Lors de la cérémonie, tu étais présent par ta photo et par ce foutu kandjar que l’on a mis à mon côté, à ta place. Et j’ai dû encore t’attendre trois ans! Et pendant trois ans, je n’ai pas eu le droit de voir mes copines, ma famille… Il est déconseillé à une jeune mariée vierge de fréquenter les autres filles mariées. Foutaise! Je devais dormir avec ta mère qui veillait sur moi, ou plutôt qui veillait sur ma chasteté et tout cela paraissait si normal, si naturel à tout le monde. Même à moi.
La dernière page tournée, vous vous rendez compte que vous avez lu un texte militant qui a fait mouche: vous aurez pour toutes ces femmes une profonde empathie qui vous marquera durablement.
Syngué Sabour, pierre de patience, Atiq Rahimi, P.O.L., 160 pages, 15 euros. Vous pouvez le commander sur Amazon.
Entièrement d’accord avec toi, Marie. Un très beau Goncourt. Un magnifique portrait de femme.
Je vais finir par croire que je suis la seule à ne pas avoir accrochée… Trop d’étrangetés dans ce livre, trop de négatif…
C’est un beau livre. Tous les sentiments humains y sont analysés par petites touches, on en sort meurtris, mais admiratifs devant ces femmes musulmanes qui ont encore la force de se révolter…A quel prix!
Pour moi, ce roman s’ouvrait comme une scène de théâtre avec son cadre unique, décor totalement dépouillé de la chambre plongée dans la pénombre et le calme.
Deux ouvertures, la porte et la fenêtre, permettent aux bruits du monde extérieur de pénétrer. Des bruits de guerre et de désordre mais aussi ceux d’un simple quotidien. Ces ouvertures permettent aussi aux personnages de rentrer et de sortir du cadre de la scène. Tout se joue là, dans la chambre où repose l’homme, le combattant blessé et plongé dans un comma apparemment irréversible. La femme, sa femme, le veille, le soigne, lui parle. Au fil du temps elle s’enhardit, sa parole se délie pour devenir intime, impudique, accusatrice, violente parfois. Son long silence à elle, son silence de femme musulmane muselée fait place à un flot de paroles libérateur. Par la porte défoncée, puis par la fenêtre brisée, des individus, étrangers à la maison pénètrent. Ils sont les symboles de la société masculine autoritaire et brutale dans laquelle vit la femme: le mollah (qu’elle qualifie de "crétin"), les combattants (talibans?)qui la "désespèrent" plus qu’ils ne l’effraient. Sans doute que les rapports qu’elle établit avec le jeune combattant sont faussés par le mensonge et les conditionnements terrifiants. Pourtant c’est comme une respiration, une ouverture sur le monde du corps, du désir, du plaisir, de la vie tout simplement.
Il faudrait revenir sans doute sur le rôle des personnages positifs que sont la tante et le beau-père. Il faudrait aussi relire le conte étrange du beau-père et en comprendre le message et puis j’aimerais être éclairée sur la fin. Elle était pour moi totalement inattendue et d’une violence extrème. Comme si la parole libératrice devait être clouée littéralement, assassinée. J’en tremble encore!
j’ai aussi beaucoup aimé ce livre court et fort. le sujet est troublant et poignant, parlant d’une réalité contemporaine cruelle.
J’attendrai donc le poche ou que ma biblio se le procure 🙂
Merci.
Pas encore lu ce Goncourts, mais ça ne saurait tarder, il a l’air d’avoir ému tant de monde. J’en profite pour te signaler la naissance de mon nouveau blog axé cuisine et littérature.
Jel’ai lu mercredi – d’un trait… pas difficile vu la longueur du texte. Mais j’ai aussi été bouleversée par ces mots – et ses mots à elle.
Seule reproche – on aurait aimé qu’il dure encore. Qu’elle nous emmène davantage dans cet univers de femme musulmane qui ne parle pas d’habitude. Mais un très beau livre certes.
J’en ai écrit sur mon blog: nilleslitteratur.blogspot…
En effet ce livre se lit rapidement… mais il reste en tête longtemps!
Et en effet la fin …
Sans doute ce pays veut il cela ?
Je crois que dans nos pays occidentaux, nous les femmes avons souvent bien de la chance de ne pas être traitée de ces façons.
Je recommande, d’ailleurs ce n’est pas pour rien le Goncourt.. ce livre m’a retourne le cerveau, comme dirait mon fils!
"Seule reproche – on aurait aimé qu’il dure encore."
Toujours la même remarque. Les romans courts sont-ils forcément moins bon que les longs?
Un excellent Goncourt cette année effectivement !!! (cf essel.over-blog.com/artic…
Ce roman est tout simplement bouleversant. Mais je m’étonne qu’il ait reçu le prix Goncourt. Il ne correspond pas au littéralement correct d’aujourd’hui.
Oui il a merité son prix goncourt mais beaucoup d’auteurs le mérite..
J’ai également adoré ce livre, ce portrait de femme afghane soutenue par une écriture dans l’urgence mais qui ne manque pas de poésie !
Mon billet sur ce livre :Syngué Sabour, Pierre de patience
Merci pour ce beau billet, qui me donne vraiment envie de découvrir ce roman !
Moi qui n’aime pas toujours, voire même rarement les Prix Goncourt, je suis d’accord pour affirmer que celui-ci mérite sa récompence. J’ai beaucoup aimé ce livre, auquel j’ai d’ailleurs consacré moi aussi un article.
Je ne suis pour ma part jamais entré dans ce roman froid et finalement assez ennuyeux, malgré le fait qu’il se lise vite. Rien d’inoubliable, en ce qui me concerne.
Ce livre m’a bouleversé et même hanté quelques temps, comme j’aurais souhaité
une autre fin que cette improbable résurrection de " l’homme".
admirable , dérangeant . Personne n’a vu la fin comme une résurrection ? Plutôt que comme un anéantissement ?
Bientôt il y aura des prix goncourt pour les livres numériques 😉
Un an sans billet, ca fait long…
Y a-t-il un espoir de te voir revenir parmi nous bientôt ?
J’ai bien peur que ce soit sans espoir de retour…Et ça me ( je pourrais écrire NOUS) manque terriblment…
Malgré le Goncourt j’ai lu.
Et adoré ce livre de Atiq Rahimi, ce portrait de femme afghane est vraiment un grand moment. Dommage qu’il n’ait pas participé à notre prix littéraire !
magnifique ouvrage et execellent auteur. J’ai eu l’occasion de le voir à Madrid en 2009 et c’est également un conteur incroyable qui laisse son assemblée éblouie…bravo
Je ne suis entré dans ce roman, je le trouve trop froid et même ennuyeux. Son seul avantage : il se lit vite mais il ne reste rien d’inoubliable… Théo
Des alertes Google Reader m’avertissent d’un mouvement sur ce blog. Un nouveau départ serait-il au programme ? 😉
On prend les poussières et on enlève les toiles d’araignées… On consolide la charpente. Puis on reviendra peut-être habiter dedans 🙂
C’est déjà une bonne nouvelle en soi 🙂 A bientôt j’espère. En attendant passe de bonnes vacances !
Je viens de finir ce roman… Ce fut vraiment une découverte. Une écriture qui claque. La fin m’a également étonnée mais après tout il s’agit d’une délivrance dans le sens où dans ce pays il n’y a ni espoir, ni place pour les femmes. J’ai découvert que ce livre était dédié à Nadia Anjuman, poétesse de 25 ans assassinée par son mari parce qu’elle écrivait… Cela m’a beaucoup touché. Je vais bientot écrire une note sur ce livre..
Bonsoir, j’ai aussi beaucoup aimé ce roman qui se lit comme un monologue de théâtre. Voilà un texte à adapter. On sent qu’Atiq Rahimi est aussi cinéaste. Bonne soirée.
Bonjour à tous,
Ce livre est un vrai témoignage de la maltraitance des femmes dans ces pays proches de l’Afghanistan ! J’ai été bouleversé, c’est un roman plein de suspense, très expressif et adapté aux jeunes (langage familier).
Je fais un projet sur ce livre qui m’a beaucoup plus !
A bientôt, Westear7.